Je profite de ces temps de merdification de reddit pour essayer de faire connaître quelque chose qui me tient à cœur : XMPP (ou Jabber, pour son nom un peu plus sexy). Pour faire simple, c’est à Whatsapp (et Discord, etc.), ce que lemmy est à Reddit (ou ce que Mastodon est à Twitter, ou ce qu’internet est au minitel), bref, si vous êtes ici, vous devriez être sensibles à l’intérêt de ce truc.
Concrètement, c’est un protocole de communication. Il faut choisir (ou créer) une instance, s’y faire un compte (ou pas, les accès anonymes aux salons publics sont également possibles), et voilà, on peut tchatcher avec d’autres blaireaux personnes du monde entier !
Il existe également des passerelles vers les silos propriétaires, dont certaines que je développe. C’est comme ça que j’ai initialement découvert XMPP, j’aime l’idée d’avoir tous mes chats dans une seule appli, aussi bien sur mon ordiphone que sur mes ordipasphones.
Les points forts de XMPP selon moi :
- léger (donc écolo) : un serveur peut tourner sur un petit raspberry pi avec un bon paquet d’utilisateurs, ce n’est pas du tout un souci ;
- chiffrements de bout-en-bout : à la signal/whatsapp, facile à utiliser pour tout le monde, opengpg possible pour les plus nerds d’entre vous
- tout le monde participe à l’évolution du protocole, les entreprises n’ont pas plus de voix au chapitre que les petits devs ;
- amical avec la vie privée (huhuhu) : je n’ai pas les services google sur mon téléphone, et pourtant j’ai des notifications pushs, et ça bouffe pas particulièrement ma batterie.
Le moins bien :
- Les clients traînent un peu à implémenter les fonctionnalités « modernes » (réactions, réponses, fils…) de messagerie instantanée… mais ça vient !
- Les clients iphone un peu en dessous des autres, à cause de l’hostilité d’apple au devs. Là aussi ça s’améliore petit à petit.
Mon utilisation :
- Un serveur prosody hébergé sur le VPS le moins cher d’OVH.
- Les passerelles que je développe (https://sr.ht/~nicoco/slidge/) pour accéder à Whatsapp, Discord, Telegram, Signal, Messenger, Steam chat, Skype et Mattermost installées au même endroit. (EDIT: j’ai également biboumi comme passerelle IRC).
- Conversations sur mon android dégooglé : ce client est parfaitement adapté aux noobs, grâce à lui ma famille (et quelques copains proches) utilisent mon instance sans trop se poser de questions.
- Gajim ou Dino selon l’humeur sur mes ordis de bureau et Beagle sur le macbook (😭️) du boulot; ma femme non geek aime bien gajim sous windows aussi.
- Mes copains avec iphone utilisent siskin.
Je vais finir par quelques liens utiles si vous voulez creuser un peu plus:
- de la doc destiné aux novices : https://joinjabber.org/fr/
- autohébergement facile : https://snikket.org/
- un client web avec des fonctionnalités « réseau social » : https://movim.eu/
- un autre : https://libervia.org/
- une longue liste de logiciels XMPP : https://xmpp.org/software/
- un service commercial pour avoir un numéro de téléphone pour appels voix et SMS sur XMPP : https://jmp.chat/
- une appli (liée à une instance) où l’inscription se fait avec numéro de tel/OTP par SMS (comme sur whatsapp/signal/telegram/etc.): https://quicksy.im/
Viendez, on est bien.
EDIT: j’oubliais un autre point fort de XMPP, assez important. C’est un protocole qui existe depuis un bail (fin des années 90) et qui a fait ses preuves. Whatsapp par exemple, utilise le protocole XMPP légèrement modifié (et surtout non fédéré avec les autres) et gère… beaucoup, beaucoup, d’utilisateurs. Ça passe à l’échelle sans souci.
Conversations (et donc Quicksy, même base, même dev) devraient se dé-aridifier sous peu : le dev a reçu un financement de NLNet pour faire une UI plus à la mode du moment, et avec des fonctionnalités plus modernes (réactions, etc.). Un petit aperçu en video : https://gultsch.social/@daniel/110118815716187992
Je me considère également comme réaliste : les vrais absolutistes conchient les passerelles comme celles que je développe. ;-)
Ha ha ha, les vrais puristes ne doivent pas parler à grand monde :D
@nicocool84 @V4uban La gauche est un processus de co-construction pluraliste (qui inclut les logiciels libres, le féminisme, le décolonialisme, les coopératives, etc.). Alors comment dire ? Il y a la position de la FSF qui considère que les utilisataires doivent avoir le choix d’utiliser des logiciels, systèmes d’exploitation, et environnement 100% libres, mais aussi celle de collaborer via Discord ou avec MS Office. Et il y a celle de personnes qui n’y comprennent rien, et qui rejoint celle de Microsoft, qui est de considérer que l’on ne devrait pas pouvoir collaborer via Office 365 avec GNU/Linux, que ce compromis serait une compromission, une confusion nocive à notre camp social et particulièrement présente, justement, au sein des logiciels libres.
Je ne comprends pas tout à fait le point que tu voulais soulever ici ? Je n’en veux pas non plus à qui que soit de ne pas s’intéresser à l’informatique et de prendre ce qui a l’air le plus simple/le plus utilisé. Ça m’empêchera pas de relouter tout le monde en soirée avec mes logiciels libres et protocoles ouverts, tout en ne m’enfermant pas dans ma bulle activiste en utilisant autant que possibles des passerelles.
Je me demande si ce commentaire ne cherchait pas à répondre à un autre ?
deleted by creator
Pardon, je voulais répondre à la réponse de V4uban, pas directement à ton commentaire, j’ai dû me tromper de bouton, désolée.
Cela dit en passant, je ne crois pas à l’accusation, je crois qu’elle est fondamentalement toxique et qu’elle sert surtout à monter les 99% les un·es contre les autres (cf. https://océane.fr/la-culpabilisation-cest-de-droite). Elle repose sur une illusion de cohérence des personnes dans le temps et à travers différents contextes, qui n’a aucun fondement scientifique (Bourdieu, 1986) et sert surtout, de mon point de vue, à les contrôler à travers le CV et le casier judiciaire. On retrouve derrière ça une idée de prédestination (Weber, 1904-1905), sauf que symboliquement la “vie après la mort” n’est plus l’élection au Paradis des Protestants réussissant dans le monde terrestre (prédestination calviniste) mais le succès des enfants, de notre vie perpétuée après notre mort, en fonction de notre “valeur” en tant que parent, et donc de notre “réussite” à leur “élection” dans les grandes écoles, le cœur de la société ou le feu de camp proprement dit de Maurice Halbwachs (Halbwachs, 1933) étant indissociable de sa sacralité, “une société [étant] à ses membres ce qu’un dieu est à ses fidèles” (Durkheim, 1912). Au nom de cette élection symbolique dans l’au-delà, à travers notre descendance, les parents apprennent à leurs enfants à passer avec succès les points de contrôle capitalistes et étatiques qui forment le CV, des examens aux concours, aux entretiens d’embauche, aux bilans de compétences, etc. Par ailleurs, ils leur apprennent à suivre mais aussi à respecter la loi, c’est-à-dire à accepter le contrôle de l’État sur leurs trajectoires individuelles, à ne pas militer, etc. L’envers de cette élection, ce à quoi elle permet d’échapper, c’est la maltraitance de classe, la surdétermination des rapports entre les 1% et les 99% sur les formes de maltraitance vécues à travers diverses institutions, notamment le travail, la famille, les services publics, et les logiciels.
Pour moi, accuser reviendrait à cautionner cette assignation nominale d’une cohérence illusoire de l’individu à travers le temps et les différents contextes dans lesquels il se trouve, et donc les formes de maltraitance qu’il peut avoir subi ou être amené à subir.
En revanche je pense que les reproches peuvent être tout à fait sains, débarrassés de cette illusion, de ce mensonge biographique. Mais ce n’était pas non plus le cas, c’était une critique de phénomènes collectifs (et numériques) découlant de cette maltraitance (cf. https://océane.fr/la-maltraitance-numérique). Il ne s’agit pas de faire des reproches à nos camarades mais de critiquer ce mode de pensée pour les amener à remettre en question les contextes (et les institutions totales (Goffman, 1961)) dans lesquels ils les ont acceptés. La pauvreté culturelle que l’on y trouve, n’ayons pas peur des mots, est un facteur d’autoritarisme culturel comme réaction à la satisfaction publique d’un besoin socialement déviant (Becker, 1963), en l’occurrence celui d’interagir avec autrui et de l’influencer malgré la pauvreté et l’illégitimité de notre influence. Je n’ai rien contre nos camarades victimes de maltraitance numérique, je consacre mon blog à les en sortir (je me suis même créé un compte Instagram hier pour l’y promouvoir, alors que j’en suis moi-même une survivante). N’y vois donc aucune animosité, sauf envers les capitalistes: ce serait faire leur jeu, nous valons mieux que ça.
Becker, Howard: “Outsiders”, 1963
Bourdieu, Pierre : “L’illusion biographique”, 1986
Durkheim, Émile : “Les formes élémentaires de la vie religieuse”, 1912
Goffman, Erving: “Asiles”, 1961
Halbwachs, Maurice: “L’évolution des besoins de la classe ouvrière”, 1933
Weber, Max: “L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme”, 1904-1905